Pour François Bigrel, agrégé d’EPS, le concept de performance est un « concept endormi » dont il nous faudrait renouveler la compréhension afin de lui redonner une place centrale au sein du développement humain. Il présente ainsi deux compréhensions de la performance derrière lesquelles s’opposent deux conceptions de la condition humaine dont il nous faudrait mesurer les conséquences tant sur le plan pédagogique que sur celui de l’éthique. (« La performance humaine : à la recherche du sens… »)
Conception 1 : Le sens existe a priori
La première de ces conceptions envisage la performance comme une chose en soi dont le sens serait donné a priori avant même qu’elle ne soit produite. C’est l’acceptation la plus courante qui invite à « optimiser la performance » afin de répondre à l’inquiétude générée par le caractère imprévisible d’une situation de compétition. On s’intéressera alors principalement à l’aspect technique de la préparation afin de réduire, voire éliminer, tout élément d’incertitude de cette situation.
Conception 2 : C’est l’individu qui invente le sens
Dans la seconde conception, c’est la performance elle-même qui devient sens. L’individu, envisagé comme un « système ouvert » en interaction avec toute la complexité de la situation, est appelé à devenir le créateur, l’inventeur de ce sens. Cette conception a le mérite de libérer l’individu du joug de la norme à reproduire en lui redonnant sa capacité d’invention et de créativité.
Voici la définition de la performance que propose François Bigrel :
La performance humaine est un événement original (différent) créé dans et par un champ de forces contingentes organisées par un règlement. Parmi ces forces, on trouve un ou plusieurs sujets à la poursuite d’une intention large (désir/but de la pratique) et des contraintes (règles, circonstances…) qui, offrant des résistances (obstacles), influent sur l’organisation de cette poursuite et permettent sa réalisation (puissance/invention).
Cet événement est complexe et absolu (à venir et sensible aux conditions initiales définissant la situation). Il est un « résultat » qui devra être pris en compte pour assurer son propre devenir.
Il fait sens pour le ou les acteurs. Il les rend heureux d’exister et de s’accomplir (joie).
Il est un moment de création et d’expression (style) de la condition humaine qui prolonge, tout en l’utilisant, un processus historique issu d’un travail collectif (culture).
Nous sommes ici dans une conception où l’individu est remis au centre car lui seul possède les clés de son accomplissement d’être humain. L’éthique de la performance qui nait de cette conception fait appel au désir de l’individu en tant que moteur de réalisation et de performance. Elle s’inscrit en cela dans la droite ligne de l’éthique de la joie développée par le philosophe Robert Misrahi.
François Bigrel ajoute que :
Ce chemin du sens est profondément personnel et intime. Il repose sur un engagement choisi, un désir qui définit en même temps notre pouvoir d’agir et les obstacles à surmonter, en somme notre liberté d’être humain qui est la seule condition à remplir pour atteindre alors ce qui appartient à la vie (…) : sa joie d’exister.
Cette définition de la performance, que l’on pourrait tout à fait rapporter au processus de création artistique, permet de nous centrer, d’une part, sur l’activité pratiquée pour elle-même et, d’autre part, sur ce qui représente l’essentiel : l’être humain en gestation.
Merci Thierry pour ce magnifique article de Mr Bigrel ! passionnant, j’encourage tout le monde à le lire ! à appliquer sans modération dans d’autres mondes (entreprise, enseignement artistique et autres ..)
Tu as tout à fait raison Chloé.
Cette définition de la performance proposée par François Bigrel ouvre de nouvelles perspectives enthousiasmantes. Il est intéressant de noter qu’on se rapproche ainsi de l’utilisation du terme « performance » dans le domaine artistique.
Thierry.