Toute pédagogie des apprentissages moteurs est l’expression d’une anthropologie, d’une certaine conception de l’être humain. Cette question devrait être au cœur de la réflexion de tout professeur d’éducation physique.
C’est cette réflexion qui m’a amené à poursuivre mes recherches en STAPS, tant sur le plan pratique que philosophique, et à m’intéresser aux travaux de François Delsarte (1811-1871), considéré comme le père de la danse moderne entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. La définition qu’il donnait de l’art éclaire la façon dont le modèle anthropologique ternaire corps-âme-esprit fondait sa propre méthode :
L’art est une émotion qui passe par la pensée et se fixe dans la forme.
L’Expression par le Souffle
« Laisser le corps trouver sa place. »
L’Expression par le Souffle est la pratique corporelle que je propose aujourd’hui. Elle le fruit de cette recherche permanente. Utilisant la respiration elle vise à faire l’expérience de la structure rythmique de l’architecture corporelle au travers des différents diaphragmes et des chaînes articulaires et musculaires.
La façon dont un individu gère son propre poids, la façon dont il organise son système gravitaire, est l’expression de sa façon singulière d’être au monde, de la façon dont il construit une plus ou moins grande autonomie par rapport au monde qui l’entoure.
Cette façon d’appréhender la posture a trouvé son développement dans le domaine de la danse, notamment au travers des travaux de Hubert Godard. Dans un article intitulé « Le geste et sa perception » (1995), il appelle « pré-mouvement » « cette attitude envers le poids, la gravité, qui existe déjà avant que nous bougions, dans le seul fait d’être debout, et qui va produire la charge expressive du mouvement que nous allons exécuter » .
L’appareil psychique s’exprime à travers le système gravitaire, c’est par son biais qu’il charge de sens le mouvement, le module et le colore du désir, des inhibitions, des émotions. Le tonus résistant du système gravitaire s’induit avant même le geste, dès le moment où se formule le projet d’une action, et ce à l’insu du sujet, en amont de sa conscience vigile. C’est pourquoi les professionnels du mouvement, les danseurs en particulier, savent que pour améliorer, modifier ou diversifier la qualité du geste, il faut en atteindre toutes dimensions, y compris celle du pré-mouvement, que seul l’accès à l’imaginaire permet de toucher.
(H. Godard, Le geste et sa perception, in La danse au XXe siècle, Ed. Bordas, 1995)
La singularité de l’Expression par le Souffle tient à la qualité d’écoute particulière et à l’attention portée simplement à la façon dont le corps se pose ainsi qu’à la respiration.
On y retrouve non seulement les bases de la méditation de pleine conscience, mais surtout celles de l’hypnose développée par François Roustang faisant appel à l’intelligence du corps pour laisser émerger l’attitude juste et retrouver le lien avec le flux vital.
En utilisant la respiration et la force de pesanteur, les différentes postures exercées lors de cette pratique stimulent les énergies qui traversent et structurent l’architecture corporelle.
Mobilisant la musculature profonde et maintenant l’équilibre entre tension et détente, l’Expression par le Souffle fortifie tout autant le corps que l’esprit. La respiration y est l’expression de cette dynamique rythmique qui fonde notre relation au monde.
Par la façon dont elle engage le corps, la présence et la respiration, l’Expression par le Souffle est tout naturellement à la base de la préparation mentale que je propose.
La Préparation mentale
Les dimensions et caractéristiques attribuées au flow, telles que « l’équilibre entre défi et compétences » , la « clarté des objectifs » , ou encore le « caractère autotélique de l’activité » (l’activité pratiquée pour elle-même), offrent des pistes de développement d’habiletés mentales.
La difficulté réside toutefois dans la façon dont on peut atteindre un tel état qui ne se laisse pas facilement approcher. La volonté ne suffit pas.
Considérer l’état de flow comme déjà présent, nous permet d’identifier ce qui, en nous, s’oppose à sa manifestation.
Cette façon de retrouver le flow en soi-même entre encore en résonance avec l’approche de François Roustang, cité plus haut, lorsqu’il invite son patient à supposer « le problème comme déjà résolu » . Pour sortir de la répétition et sortir du piège que nous tend le mental, il importe de laisser le corps trouver sa place en retrouvant le geste juste. (Il suffit d’un geste, Ed. Odile Jacob, 2003)
Dans un entretien au journal Psychologies, il explique que seul un lâcher prise peut lui permettre d’y arriver.
Lâcher prise, c’est renoncer aux intentions, aux projets, à la maîtrise de son existence. C’est un abandon de la pensée, de la volonté, et même du résultat. Quelqu’un qui ne cherche plus rien n’attend plus rien, devient disponible et s’ouvre à quelque chose d’autre.
C’est cela la magie : laisser venir les forces vives qui sont en nous.(François Roustang, Les gestes du lâcher prise, Psychologies, Juillet 2009)
Il invite à quitter toute volonté de maîtrise pour retrouver sa capacité d’invention, sachant qu’ « inventer demande d’accepter l’aventure et l’inconnu » . Ce qu’évoque François Roustang nous renvoie aux dimensions du flow que sont « la fusion avec l’activité » , « la perte de conscience de soi » ainsi que « le sentiment de contrôle total sans essayer de contrôler les choses » .
Il s’agit donc…
de ne plus me tenir en dehors du flux de la vie, mais d’y entrer, de perdre le souci de mon regard et du regard des autres sur moi pour que l’unité se fasse et que le grand nombre des choses et des êtres se rapprochent et se relient.
(F. Roustang, Il suffit d’un geste, Ed. Odile Jacob, 2003, p. 126)
Bravo pour votre blog, que j’ai découvert grâce à Valérie. Votre activité est plein de sens dans le monde d’aujourd’hui. Vous intervenez toujours dans les écoles? et auprès de jeunes en difficulté?